Présence à soi

Les étapes initiatiques du couple

Introduction : Le couple comme voie initiatique

Aimer n’est pas seulement une aventure romantique ou un projet de vie pratique. C’est un chemin d’initiation. Le couple est une école où, jour après jour, nous apprenons à nous connaître à travers l’autre. Dans ses joies comme dans ses épreuves, il agit comme un miroir qui reflète nos forces, nos fragilités et nos zones d’ombre.

Vivre une relation de couple, c’est accepter d’entrer dans un voyage intérieur où chaque étape devient un potentiel levier de transformation. Ce ne sont pas de simples épisodes, ce sont des rites de croissance.

Le couple n’est donc pas seulement une histoire à deux. C’est un chemin spirituel où chacun a l’opportunité de s’éveiller à lui-même et à l’autre.

La suite de cet article énumère les principales étapes initiatiques de la vie d’un couple de long terme. Ce n’est pas une liste exhaustive et tout le monde ne passera pas par toutes ces étapes, ni forcément dans cet ordre.

Rien n’est garanti ni figé : plusieurs étapes peuvent se chevaucher en même temps, certains couples reviennent à des étapes antérieures, d’autres s’arrêtent à une phase, et d’autres encore évoluent ensemble sur toute la ligne du temps.

1. La rencontre et l’état amoureux

La rencontre est souvent vécue comme une étincelle : un sourire, un regard, une évidence. C’est un élan spontané du cœur et du corps.

Dans une perspective spirituelle, la rencontre n’est pas un accident, mais une mise en mouvement : l’autre apparaît comme un catalyseur qui va réveiller en nous des parts endormies.

A ce stade de la relation, la rencontre reste encore superficielle, car on ne voit de l’autre que ce que nous avons envie de voir et ce qu’il souhaite nous montrer. L’envie de séduire, de montrer uniquement ses plus belles facettes, prend souvent le pas sur l’exigence d’authenticité.

L’autre est perçu comme un miroir idéal. Nous projetons sur lui nos attentes, notre vision du couple et de la relation, et l’espérance qu’il viendra combler nos manques et panser nos blessures.

C’est la phase passionnelle, qui correspond à Eros chez les Grecs anciens. L’autre est généralement plus un objet de désir que le sujet d’une relation.

Ces débuts ont souvent un côté narcissique car ce n’est pas tant l’autre que nous aimons que l’image valorisante de soi qu’il nous renvoie. Ce dont nous sommes épris, c’est de l’état amoureux, avant tout.

Bien que délicieuse, cette phase n’est pas tenable à long terme car trop accaparante et déconnectée du réel. Comme la vie est bien faite, l’état amoureux s’estompe chez la plupart des couples aux alentours de trois années de relation régulière.

2. L’épreuve du réel

La poursuite de la relation s’accompagne souvent de la mise en place d’une vie commune : cohabitation, logement, projets, mariage parfois.

Immanquablement, l’une après l’autre, toutes nos idéalisations et nos illusions finissent par s’émietter contre l’épreuve du réel et la gestion du quotidien.

L’autre tombe du piédestal où nous l’avions placé et il reprend son statut d’être humain imparfait, avec ses défaillances, ses blessures et ses zones d’ombre. Nous prenons également conscience de la part de fantasmes et d’idéalisation dans notre vision de la relation amoureuse.

Le désir sexuel peut lui aussi s’émousser à l’épreuve de l’usure du quotidien, invitant à se réinventer.

Ce moment peut engendrer des crises, passant par la désillusion, le conflit, la tentation de fuir, voire de répéter ailleurs la phase passionnelle où tout semblait facile et aller de soi.

C’est aussi l’opportunité d’apprendre la tolérance et l’acceptation des différences, d’assouplir la vision parfois absolutiste que nous avions de la relation.

Les frictions du quotidien sont également l’occasion d’apprendre à communiquer de façon non conflictuelle sur nos limites, nos désirs et nos besoins.

Et comme la relation est avant tout un prodigieux miroir grossissant, elle nous permet de mieux appréhender notre propre fonctionnement. Les tensions révèlent nos blessures et pointent les parts en nous qui gagneraient encore à évoluer.

Souvent, notre partenaire pressent et voit mieux que nous notre potentiel. Plus son amour est sans complaisance, plus il nous invite à nous hisser au meilleur de nous-même.

Enfin, cette phase invite à passer à un cap plus mature de la relation, en distinguant la différence entre amour-passion et amour-engagement.

Cette phase se rapproche de Filia, l’amour-amitié de l’antiquité grecque, où l’autre est aimé pour qui il est. L’attraction physique cède un peu le pas à la tendresse et à une complicité qui s’approfondit.

3. La parentalité

Lorsque les partenaires font le choix d’élever un ou des enfants, ce passage du couple conjugal au couple parental vient profondément bouleverser la relation, en déplaçant les priorités et les points d’équilibre.

Le pouvoir d’accaparation des enfants amène souvent à se perdre dans le rôle de parent et à désinvestir progressivement le lien amoureux. Si être parents ensembles peut être un ciment majeur du couple, c’est aussi un de ses plus grands défis.

Toute la difficulté est d’arriver à préserver un espace conjugal dans l’effervescence familiale. Investir dans du temps de qualité à deux ne doit pas passer à la trente-cinquième priorité, après la vaisselle, la lessive, les devoirs scolaires, le rituel du coucher des enfants et le nettoyage de sa boîte d’emails…

Les choix d’orientation pédagogique et d’éducation peuvent aussi mettre en lumière des divergences entre parents quant à la hiérarchie des valeurs. Cela peut être pour eux l’occasion de questionner leur bagage familial respectif et de faire l’inventaire de ce qu’ils veulent transmettre ou non à leurs enfants.

Le rôle de parent et les responsabilités qui l’accompagnent invitent à grandir. Souhaitant être un modèle inspirant pour ses enfants, chaque parent, en fonction de ses ressources, essaie de faire du mieux qu’il peut.

En relevant la moindre de nos contradictions ou incongruences, nos enfants sont de véritables enseignants spirituels en culottes courtes. Comme le relevait le chanteur Jacques Higelin, « On n’élève pas ses enfants. On s’élève avec eux ».

4. Au centre du carrefour

Être au milieu de sa vie, aux alentours de la quarantaine, est souvent l’occasion de faire le bilan de son existence passée et de se projeter vers qui on voudrait être et ce qu’on voudrait faire pour la seconde partie de sa vie.

Il n’est pas rare que cela débouche sur des crises ou des bouleversements radicaux, tant professionnels que privés.

Chaque partenaire pourra être un soutien précieux à l’évolution de l’autre. Cela suppose de se sentir suffisamment en sécurité dans la relation, et d’accepter que notre partenaire change et ne corresponde plus tout à fait à qui il/elle était lors de la première rencontre.

Si les individualités évoluent, et c’est inévitable (et souhaitable), le projet de couple doit forcément être redéfini afin de s’adapter aux nouveaux équilibres. De tremplin, le couple risque de se transformer en un carcan étouffant les individualités, faute de réinvention commune.

Le couple et la vie de famille peuvent alors parfois être perçus, à tort ou à raison, comme un obstacle au besoin d’accomplissement et au désir d’évolution personnelle de l’individu.

Le secret des couples qui durent est d’oser actualiser conjointement les besoins et les désirs de chacun, et de se réinventer à chaque fin d’un cycle.

Une crise n’est pas une fin, mais une invitation à laisser mourir l’ancien pour renaître autrement. C’est une opportunité, à saisir ou non.

5. Le nid vide

Quand les grands enfants quittent la maison, cela marque le retour à deux et la redécouverte de l’autre au-delà du rôle parental.

Certains voient là l’opportunité de revivifier la relation amoureuse, tandis que d’autres se retrouvent confronter à un vide relationnel.

Comme dans l’étape précédente, certains relèveront ce défi en allant vers une renaissance ou une redéfinition du couple, tandis que d’autres iront vers une bifurcation de leurs chemins.

6. La maturité amoureuse

Lorsque la relation se stabilise et s’ancre dans la durée, l’amour devient un choix renouvelé.

C’est un amour choisi, au-delà des projections, qui conduit à une complicité profonde, à être une présence pour l’autre.

C’est l’Agape grec, où l’autre est aimé inconditionnellement. Les blessures et les manques sont suffisamment apaisés pour permettre que la relation soit un véritable espace conscient de liberté.

7. Vieillissement et fin de vie

Lorsque les amoureux prennent de l’âge, s’ouvre une ère d’accompagnement réciproque. C’est la confrontation à la fragilité, au temps qui passe, parfois à la maladie.

Pour certains couples, l’initiation ultime est d’accompagner ou d’être accompagné jusqu’à la mort. C’est faire l’expérience de l’amour dépouillé de toute illusion, dans sa forme la plus nue et sacrée.

8. Conclusions

Chaque étape peut être vécue dans la douleur et la rupture, ou dans la croissance et l’approfondissement.

C’est à nous de faire de chaque étape de l’aventure du couple un levier de transformation, une opportunité de grandir sur notre chemin d’évolution.

Didier de Buisseret

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