Faut-il avoir des fantasmes dans le couple ?
Régulièrement, les magazines de bien-être nous invitent à avoir des fantasmes dans le couple, en vue d’une vie sexuelle riche et épanouie. Si ce n’est pas faux, il est néanmoins utile d’élargir cette réflexion par l’éclairage du Tantra.
Un fantasme est une projection mentale. Or, lorsque que je suis dans mon mental, je ne peux être en même temps présent dans mon corps ou présent à ma partenaire. Ainsi, avoir en tête ses fantasmes durant l’acte amoureux pourrait avoir pour conséquence de nous rendre plus présents à telle actrice célèbre ou tel chanteur de charme plutôt qu’à notre partenaire en face de nous. Dans ce cas, nous ne faisons pas l’amour à notre partenaire, celui-ci n’étant finalement qu’une « surface de projection » sur laquelle nous nous masturbons. D’une certaine façon, le partenaire perd alors son statut d’être unique et privilégié pour être objétisé, il est instrumentalisé pour y projeter nos désirs.
Le Tantra invite tout d’abord à être présent à soi-même, ce qui signifie être ancré dans son corps. Et, une fois seulement que l’on est centré en soi, à être présent à l’autre. Être présent à l’autre signifie créer une connexion avec son partenaire à travers plus d’intimité au niveau émotionnel, plus de complicité, plus de regards tendres, de rires… Cela va donc bien au-delà de la seule intimité physique. Or, si au moment où je fais l’amour à ma/mon partenaire, je m’imagine au bras de telle autre personne ou dans tel scénario fantasmé, suis-je présent, ou ai-je l’esprit ailleurs, rendant impossible une véritable connexion de cœur à cœur ? Et si je fantasme une autre image de ma/mon partenaire, est-ce avec cette image que je suis présent, ou est-ce avec ma/mon partenaire réel(le) ? En outre, si je suis dans mon mental, il m’est également difficile d’être ancré dans mon corps et d’être à l’écoute de mon propre ressenti.
Et si nos fantasmes deviennent trop cérébraux, ils risquent aussi de nous éloigner de notre cœur et de l’amour. Ainsi, certains adeptes d’un érotisme très sophistiqué et codifié (fétichisme, bondage, domination…), à l’instar de Georges Bataille ou de Sade par exemple, semblent parfois faire une connexion directe entre leur mental et leur sexe, sans jamais trouver le chemin du cœur. Cela peut donner, au mieux, un érotisme froid et sans amour.
Cela ne veut bien sûr pas dire qu’avoir des fantasmes est toujours mauvais en soi. Il peut être bon de nourrir son imaginaire érotique, mais en étant attentif à ce que cela nous ramène vers notre corps, vers plus de sensualité gourmande, de légèreté, si cela nourrit notre élan vital et nos énergies. Nourrir son imaginaire érotique peut donc être bénéfique mais jusqu’à un certain point car l’imaginaire ne peut se substituer à la réalité, ou alors cela devient une fuite, une évasion. Si, lors de l’acte amoureux, je ne peux arriver à un degré suffisant d’excitation sans faire appel aux fantasmes, si la réalité du corps de ma/ma partenaire ne me suffit plus, cela pourrait être un souci.
Il est également possible d’avoir des fantasmes communs au couple qui, lorsqu’ils sont mis en scène par les deux partenaires ensembles ne sont pas un obstacle à la connexion, que du contraire, puisque cela peut même renforcer la complicité des acteurs de cette mise en scène.
Cela dit, il arrive que sous couvert de raffinement, le couple ait besoin de mises en scène de plus en plus sophistiquées ou de stimulants toujours plus intenses, comme pour rattraper un désir qui les fuit chaque fois un peu plus (voir par exemple le livre « Lune de fiel » de Pascal Bruckner, dont Roman Polanski a tiré un film). Ceux qui n’arrivent plus à l’excitation sans l’aide de toute une mise en scène ou d’accessoires divers, sont eux aussi victimes de leur mental, leurs fantasmes s’étant substitués à leur vrai ressenti. Cela est également évoqué dans l’article relatif aux rituels.
Tant que cela reste un piment occasionnel, c’est parfait. Mais si toutes ces mises en scène deviennent une nécessité dont on devient l’esclave, il est peut-être doucement temps d’aller voir un bon sexologue… ou un tantrika.
Didier de Buisseret
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- Quand faut-il pardonner ?
- Le processus de guérison d’une blessure émotionnelle (1)
Merci Didier pour ces articles sympathiques et instructifs. JL
Avec plaisir, JL 🙂
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Bonjour Didier, je n’arrive à l’orgasme qu’en évoquant des scénarios fantasmés avec mon partenaire. Comment sortir de cette nécessité et trouver l’orgasme dans le moment présent ?
Charlotte
Bonsoir Charlotte, même si je me garde bien de tirer des conclusions hâtives sur base de deux lignes d’explication, la nécessité de devoir passer par un scénario pour arriver à l’orgasme est généralement le fait d’une personne déconnectée de son corps et de son énergie sexuelle et, en revanche, trop dans son mental. Cela signifie que le désir ne peut s’allumer naturellement et a besoin du stimulus extérieur du fantasme pour que le désir sexuel naisse. Ce n’est pas en soi dramatique tant que cela fonctionne mais il est probable que ce fantasme finira un jour par « s’user » et ne plus remplir son office (outre que cela limite les options). Si tu me poses la question, je suppose que la situation n’est pas totalement satisfaisante pour toi. Je t’inviterais dès lors à expérimenter des séances de Tantra (que ce soit du massage en individuel ou des ateliers en collectif), dont les exercices visent principalement à revenir dans son corps et à reprendre contact avec toutes les sensations et les émotions qui le traversent, sans passer par le mental. Si tu souhaites plus d’informations ou des adresses où te rendre (j’ignore ta localisation), je te propose de m’adresser un email en privé auquel je me ferai un plaisir de répondre. Belle soirée à toi. Didier