Présence à soi

La relation de l’homme au divin et à la nature

La relation que la plupart des gens ont à la nature a souvent été pour moi une source de curiosité, voire d’étonnement.

En y réfléchissant,  j’ai l’impression de distinguer un lien étroit entre le rapport de l’être humain au divin et son rapport à la nature. Lorsque sa relation à la religion évolue, cela influence sa relation à la nature, et inversement.

J’ai eu envie de prendre un peu de hauteur pour y voir plus clair, ce sujet me semblant d’actualité. J’imagine qu’un spécialiste de l’étude comparée des religions y trouvera à redire mais l’idée n’est pas ici de faire une thèse de doctorat…

L’animisme

L’être humain immergé dans la nature

A l’origine, lorsqu’il était encore un chasseur-cueilleur semi-nomade, l’être humain vivait en étroite symbiose avec la nature et ses éléments, ce qui l’a amené vers une vision animiste du monde.

L’animisme est une pratique spirituelle selon laquelle chaque animal ou plante, chaque objet, chaque élément naturel (comme le feu, le vent, la pluie…) est animé par un esprit ou une âme particulière possédant une intention qui lui est propre. Considérant que ces esprits peuvent avoir un impact sur le monde réel – et donc sur leur vie – les hommes leur ont rendu des cultes afin de s’attirer leurs bonnes grâces.

Chaque région du monde a abrité (ou abrite encore) des croyances animistes, sous des formes très diverses. Ainsi par exemple, le chamanisme comporte une dimension animiste, puisqu’il peut se définir comme une pratique spirituelle destinée à faire la médiation entre les êtres humains et les forces non visibles de la nature.

Une vision strictement anthropologiste estimera que c’est parce qu’il était totalement dépassé et effrayé par les manifestations de la nature que l’être humain a développé progressivement une croyance animiste destinée à le rassurer et, encore plus fondamentalement, à donner du sens à ce qui lui arrivait. D’une perspective plus spirituelle, on peut considérer que ces pratiques ont permis une véritable connexion à la nature et à ses forces, un lien invisible que l’on ne perçoit plus aujourd’hui. Sans doute la vérité se trouve-t-elle quelque part entre les deux…

Une harmonie déjà partielle

Il faut par ailleurs relativiser cette image d’Epinal de l’homme des origines en harmonie parfaite avec son environnement. De récentes études ont démontré que lorsque l’homo sapiens a quitté son berceau africain il y a environ 125.000 ans et a essaimé sur tous les autres continents, il ne lui a fallu que quelques milliers d’années pour exterminer tous les grands mammifères qui y préexistaient (mammouths, rhinocéros laineux, paresseux géants…). En outre, sur cette période, le poids moyen des mammifères s’est divisé par dix sans qu’aucune autre cause n’explique ce déclin tels de brusques changements climatiques ou une météorite (sources : supplément Science & Médecine du journal Le Monde, 25 avril 2018). L’homme moderne actuel n’a donc pas le monopole de l’exploitation abusive des ressources et pourrait même brandir l’excuse selon laquelle « on a toujours fait comme ça… ».

Et si l’homme des origines est proche des manifestations tangibles de la nature (qu’il peut voir, toucher, sentir…) et s’y intègre harmonieusement, il n’a en revanche pas toujours accès à sa dimension invisible sans l’intercession du sorcier ou du chamane. De même, son respect de la nature doit sans doute parfois aussi à sa crainte de mécontenter les esprits et de s’attirer leur courroux.

En dépit d’une symbiose entre l’homme et la nature, l’animisme esquisse donc déjà une représentation partiellement dualiste de la relation au monde, qui annonce et préfigure les religions déistes.

Les religions déistes

Le passage à l’agriculture et à la sédentarité a progressivement modifié le rapport de l’être humain à la nature. Auparavant, il vivait en petits clans au sein-même de la nature et se déplaçait sur de faibles distances en fonction de ses besoins. Une fois devenus agriculteurs et sédentaires, les hommes se sont regroupés en villages, puis en villes de plus en plus grandes qui finirent par se fédérer en royaumes.

Un environnement de plus en plus urbain et « civilisé » a eu pour conséquence que n’étant plus constamment immergé dans la nature, l’homme a pu se concevoir comme distinct de cette nature. De même, à travers l’agriculture et l’élevage, l’homme a domestiqué les plantes et les animaux, accentuant la dimension duelle : l’homme d’un côté et, de l’autre, une nature modulable et à son service.

Cette concentration croissante de population a nécessité la création d’un ciment susceptible d’unifier un grand nombre de personnes autour de mêmes valeurs, de règles et de croyances communes. C’est un des rôles majeurs donné aux premières religions polythéistes qui apparurent avec le néolithique et qui évoluèrent jusqu’au grandes religions institutionnalisées actuelles.

Outre ce rôle de cohésion sociale, la religion a également pour vocation à organiser la relation de l’homme à l’univers. Dans la mesure où les religions (en tant qu’institutions) sont œuvres humaines, il n’est pas surprenant que l’homme s’y retrouve au centre : dans cette vision, Dieu a créé la nature expressément pour le bénéfice de l’homme et c’est à travers elle qu’il lui dispense ses largesses, pour peu que l’homme lui rende un culte dans une conception plutôt utilitariste : l’homme fait des offrandes aux dieux qui lui assurent de bonnes récoltes en retour.

Autre évolution par rapport à l’animisme, une plus grande distance s’est installée entre l’homme et ses divinités. Autant les esprits et les elfes étaient parmi les hommes et au sein de la nature, autant les dieux sont distincts de leur création et ont quitté la terre pour s’installer ailleurs, à l’Olympe ou autre Valhalla. Là également, la dualité se creuse : l’homme reste englué dans la matière tandis que le divin est ailleurs…

Le passage progressif des esprits innombrables de l’animisme aux dieux du polythéisme pour enfin arriver aux trois grandes religions monothéistes n’est d’ailleurs pas sans faire penser à la spécialisation vers la monoculture. Faut-il voir dans le monothéisme une forme d’appauvrissement de la biodiversité religieuse ? A moins que ce soit une phase transitoire vers la fusion du divin et de la Nature telle que le prévoit le panthéisme (voir ci-après) ?

Le matérialisme athée

En « travaillant » la nature et en la maîtrisant de plus en plus au gré des avancées scientifiques et technologiques, l’être humain a pu élucider un à un les mystères qui autrefois le terrifiaient et devant lesquels il était impuissant. Les phénomènes naturels peuvent désormais s’expliquer rationnellement et trouver leur origine dans des causes sur lesquelles l’homme peut influer.

En grignotant peu à peu l’inconnu et l’inexpliqué du monde, les connaissances scientifiques ont rendu les religions de moins en moins nécessaires en tant que moyen d’explication du réel. Le naturalisme a achevé d’évacuer toute forme de transcendance en postulant qu’il n’existe pas d’autres principes que les lois et causes naturelles.

Au 17ème siècle, René Descartes a posé les bases de la science moderne grâce à sa vision rationnelle et mécaniste du monde : « L’univers et tout phénomène qui s’y produit peuvent et doivent s’expliquer d’après les lois des mouvements matériels ». Prenant l’image d’une horloge, il percevait les êtres vivants comme des machines, un assemblage de rouages interagissant entre eux sous la supervision d’un Dieu « grand-horloger ».

A partir du 19ème siècle, le matérialisme scientifique est progressivement devenu la « nouvelle religion » dominante, établissant la conviction/croyance que les derniers mystères du vivant seraient rapidement élucidés et que chaque progrès scientifique améliorerait toujours plus notre bonheur, notre confort et notre sécurité. C’est dans cette perspective que l’élevage industriel et l’agriculture intensive ont été à l’origine acclamés comme la solution miracle pour nourrir plus de monde à moindre coût.

Cette confiance dans les vertus du progrès est également un des fondements d’une autre religion, le libéralisme économique, nous proposant le mythe de la croissance perpétuelle et invitant à produire toujours plus pour toujours plus de bien-être.

Dans le but louable d’éradiquer la superstition et l’obscurantisme, en accordant une priorité forcenée à tout ce qui est vérifiable et mesurable, la science moderne a malheureusement mis beaucoup d’acharnement à extirper du monde toute forme de sacré et d’enchantement. Christiane Singer le déplore en ces termes : « La dichotomie esprit/matière crucifie notre Occident, ne nous permet pas de percevoir que la matière aussi est de l’esprit mais de l’esprit arrêté, de l’esprit coagulé, fossilisé si j’ose dire. Ce que nous appelons la science est une discipline remarquablement spécialisée pour analyser la composition de cette part fossilisée du réel, celle qui ne bouge plus, celle dont on est sûr et dont on peut se saisir et manipuler à souhait ».

L’alliance entre cette nouvelle perception du monde et les moyens industriels modernes a eu un lourd impact sur notre relation à la nature, ainsi que le résume Thomas d’Ansembourg : « Dans cette culture, non seulement l’homme n’est pas éveillé à participer à l’enchantement du monde dans la conscience que celui-ci est sacré, mais il se conduit en maître qui peut user et abuser pour son bon plaisir de cette matière inerte qui l’entoure. Il semble que depuis bien des générations nous soyons imprégnés de la croyance suivante : je ne suis qu’une créature séparée de son créateur, mais j’ai reçu tout pouvoir sur la création qui, elle, n’est qu’un grand mécano composé de pièces détachables et mis à mon service».

La modernité

Il semblerait malgré tout que la science moderne n’ait pas tenu toutes les promesses qu’on lui prêtait. Plus les scientifiques dissèquent l’infiniment petit, plus ils doivent admettre que la nature profonde de la réalité leur échappe. Richard Feynman, un des plus prestigieux physiciens contemporains, est connu à cet égard pour sa déclaration : « Je crois pouvoir dire sans risque de me tromper que personne ne comprend la mécanique quantique ».

De même, alors que le monde occidental n’a jamais été aussi paisible et prospère, que nous jouissons de conditions de confort et de sécurité inégalées, il n’y a jamais eu autant de suicides, de dépressions ou de burn-outs.

Selon Yuval Noah Harari, cette situation paradoxale s’explique par ce qu’il appelle « le deal de la modernité ». Pour lui, en acquérant le pouvoir que la science leur donne sur la nature, les hommes ont accepté de renoncer à leur croyance en un grand plan cosmique donnant sens à la vie : « Selon nos connaissances scientifiques, l’univers est un processus aveugle et sans dessein, plein de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien. (….) Il n’y aura pas de dénouement heureux ou malheureux, ni de dénouement du tout. Les choses arrivent simplement, l’une après l’autre. Le monde moderne ne croit pas en un dessein, juste à la cause. (…) Sur le plan pratique, la vie moderne est une poursuite constante de pouvoir au sein d’un univers vide de sens ».

Ceux qui ont trop attendu de la science ont peut-être perdu de vue que son rôle se limite à proposer une explication au « comment » des choses mais qu’elle n’a en revanche pas vocation à en expliquer le « pourquoi », ce qui permet de comprendre le vide spirituel actuel.

Thomas d’Ansembourg ajoute : « La vision du monde reçue en héritage génère angoisse, solitude et perte de sens, non seulement sur le plan individuel, mais aussi sur le plan collectif. Si le monde n’est qu’une grande horloge, chaque élément un simple rouage, et le principe de vie « manger ou être mangé », et que Dieu (pour ceux qui le nomment ainsi) ne fait pas partie du jeu car il le laisse tourner tout seul, il semble bien que les individus ne puissent que se créer une société matérialiste, plutôt angoissante, de compétition, de consommation et d’apparences, où prévalent les rapports de pouvoir, l’avidité et la dépression ».

Selon la formule du philosophe existentialiste Martin Heidegger, l’homme souffre de déréliction : il est « jeté dans le monde et abandonné à lui-même ». Un tel sentiment de déracinement et de non-appartenance ne peut qu’accentuer sa déconnexion à la nature et contribuer à son indifférence face aux enjeux écologiques et climatiques.

L’humanisme

La parade que l’être humain pense avoir trouvé face à cette existence vide de sens se nomme l’humanisme, analyse Yuval Noah Harari dans son imparable essai Homo Deus : « Alors que, traditionnellement, le grand plan cosmique donnait un sens à la vie des hommes, l’humanisme renverse les rôles et attend des expériences humaines qu’elles donnent sens au cosmos. Selon l’humanisme, les humains doivent puiser dans leurs expériences intérieures le sens non seulement de leur vie, mais aussi de tout l’univers. Tel est le premier commandement de l’humanisme : créer du sens pour un monde qui en est dépourvu ».

Selon l’humanisme, chaque être humain est l’ultime source de sens. Chaque personne est unique et chaque expérience individuelle devient une source de sens irremplaçable. Ainsi, lorsque quelqu’un adhère à une religion, c’est avant tout son choix individuel. S’il croit, c’est avant tout parce qu’il fait confiance à sa voix intérieure lui disant que cette foi est juste pour lui.

Grâce aux progrès de la science et au génie génétique, l’homme humaniste pénètre un peu plus chaque jour les secrets du vivant jusqu’à espérer atteindre l’immortalité et prendre une bonne fois pour toute la place des dieux.

Il est intéressant de prendre conscience que bon nombre de mouvements de développement personnel, dont le New Age, s’inscrivent dans ce courant humaniste. En effet, quoi de plus humaniste que des slogans comme « Sens ce qui est juste pour toi, écoute ta petite voix intérieure, sois en accord avec toi-même… » ?

Mais s’il est dénué de toute dimension spirituelle ou transcendante, l’humanisme peut facilement faire le lit de l’individualisme et justifier le nombrilisme le plus décomplexé. De même, plus l’être humain se considérera comme le centre et la source de sens de toute chose, plus il percevra la nature l’environnant comme le simple décor d’un film dont il serait le héros, voire le personnage unique ; une nature totalement à son service et n’existant plus qu’en fonction de lui.

C’est une des distinctions majeures entre les courants de développement personnel tentant de percer le Mystère par la porte de la personnalité, de l’individu, et les voies de développement spirituel proposant une dimension plus transcendante.

Tel qu’il est véhiculé aujourd’hui dans sa version consumériste, cet humanisme semble déjà montrer ses limites et ne pas parvenir à étancher notre soif de sens et d’absolu.

Peut-être le grand défi actuel se trouve dans la fameuse phrase « Le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas« , attribuée à André Malraux. Si Malraux n’a jamais prononcé cette phrase telle quelle, elle reflète bien sa pensée et son souhait qu’au lieu de projeter un dieu à l’extérieur, l’être humain puisse intégrer le divin au cœur de sa propre psyché. Voilà une vision très tantrique, non ?

La vision tantrique du monde

Il existe une métaphysique tantrique traditionnelle, qui n’est ni un dogme ni un préalable à la pratique du Tantra moderne. Elle est néanmoins assez fascinante si l’on réalise les grandes similitudes entre cette vision née il y a plusieurs milliers d’années et la physique quantique moderne.

Dans cette vision tantrique du monde, tout corps vivant est composé de milliards de cellules, chaque cellule disposant d’une conscience autonome et interconnectée aux autres cellules du corps qu’elles composent. Il n’y a donc pas une seule conscience logée dans le cerveau mais bien une succession hiérarchisée de plans de conscience en lien les uns avec les autres.

Le psychisme d’un individu englobe et dépasse donc l’ensemble de tous ces plans de conscience qui le constituent. Ce niveau mental autonome, plus vaste, qui recouvre plusieurs « sous-mentaux » individuels est nommé « overmind » par André van Lysebeth.

Si cela vaut pour les êtres humains, c’est également le cas pour les autres êtres vivants. De ce fait, selon le Tantra, les plantes et les animaux sont également dotés d’une certaine forme de conscience (qui n’est pas pour autant l’équivalant des esprits de l’animisme). Le best-seller La vie secrète des arbres, du garde-forestier Peter Wohlleben, ne nous dit pas autre chose.

Plus fort encore, le Tantra considère que le fait de voir des corps solides bien distincts les uns des autres est une illusion. Selon lui, les corps sont en réalité des champs d’énergie constitués de ces cellules en interaction.  Chaque être vivant est donc vu comme un champ de « conscience-énergie » structuré.

Selon André van Lysebeth, « la vision tantrique fait éclater les frontières, ou plutôt les dissout car elles n’existent que dans le mental. Du strict point de vue matériel, sauf pour mes sens, il n’y a pas de frontière abrupte entre les objets qui m’entourent. Pour le physicien, la matière est surtout du vide, où, de loin en loin, tourbillonnent des nuages d’électrons autours d’un noyau atomique. Tellement vide que si on comprimait la terre jusqu’à faire se toucher les atomes, elle tiendrait, parait-il dans un dé à coudre ! (…) Si un hypothétique astronaute chevauchait une de ces particules, il n’observerait aucune frontière encore ma chaise et moi, il traverserait seulement deux nuages d’énergie, deux champs de force en contact l’un avec l’autre ».

Chaque corps est donc du vide dynamique, un champ de forces dont les limites ne sont pas définies par des molécules précises (pensons aux auras…). Nous sommes des nuages d’énergie en constante relation d’échange avec ce qui nous entoure. Cette idée que nous sommes donc à tout moment reliés avec l’univers dans son entier évoque cette phrase de Christiane Singer : « Premièrement, tout est relié. Deuxièmement, rien n’existe – il n’y a pas de matière. La seule chose existante, c’est la relation, le tissu vibratoire de la relation ».

Revenons à l’overmind. Selon le Tantra, cet overmind ne se limite pas à chaque individu pris séparément. Il existe également un overmind au niveau de l’ensemble des êtres humains, très similaire à la notion d’inconscient collectif développée par Carl Gustav Jung. De même, il existe un overmind de la ruche d’abeilles, du vol d’étourneaux, du banc de poissons…

Plus vaste encore, la vision tantrique considère qu’un overmind existe également au niveau de la Terre – donc habitée par une forme de conscience -, ainsi que de toutes planètes ou systèmes solaires.

Pour le Tantra, l’Univers est Conscience et Energie associées : « Au-delà de l’individu, le tantra transpose cette pensée à l’ensemble de l’Univers qui, avec ses milliards de galaxies forme, lui aussi, un champ de forces surtout constitué de vide (l’immensité inimaginable des espaces interstellaires). Pour le Tantra, « quelque chose » pense à l’aide des étoiles, tout comme je pense à l’aide de mes atomes. On retrouve ainsi l’Univers vivant et conscient. (…) Du cosmique au subatomique, le psychisme universel se stratifie en une infinité de sous-niveaux de conscience ou de plans de conscience à la fois autonomes, distincts et néanmoins interdépendants » (André van Lysebeth).

Ces divers plans sont comme des fractales qui se répètent et s’interpénètrent à l’infini : chaque individu est composé d’une série d’atomes. Et il est lui-même un atome composant quelque chose de plus vaste étant lui-même un atome… et ainsi de suite.

Le panthéisme

Cette vision d’un Univers conscient, où l’esprit et la matière sont indivisibles, se rapproche assez bien de la philosophie élaborée au 17ème siècle par Baruch Spinoza pour qui Dieu englobe la totalité du réel et s’identifie complètement à la Nature en tant que l’Univers tout entier, dans ses dimensions visibles et invisibles.

La métaphysique de Spinoza est donc d’inspiration panthéiste ; le panthéisme considérant que Dieu est tout, qu’il se confond et ne fait qu’un avec la nature (à l’inverse des religions dualistes, distinguant Dieu du monde matériel).

En revanche, la vision tantrique ne peut tout à fait être qualifiée de panthéiste, dès lors qu’elle ne fait appel à aucun principe transcendant ni à aucun dieu. Ou alors il s’agit d’un panthéisme non déiste.

Le Tantra n’est en effet pas une religion mais une voie spirituelle. A son origine, il est venu se surexposer à l’hindouisme, empruntant divers dieux à son panthéon (Shiva, Shakti, Kali, Ganesh…). Mais, dans la vision tantrique, il ne s’agit pas tant de divinités extérieures destinées à être vénérées que de la représentation symbolique de principes, de consciences.

Ainsi, Shiva symbolise à la fois le principe masculin et la conscience cosmique, tandis que Shakti symbolise le principe féminin et l’énergie (qui est la manifestation de la conscience). Le but du tantrikâ est de parvenir à l’unification en lui-même de ces principes, afin de parvenir à l’unité totale (non duelle) ; espace où le « je » séparé n’existe plus car il n’y a plus personne.

Si le Tantra proclame que le divin est en chacun de nous, ce n’est donc pas à un dieu précis qu’il est fait référence mais à cette conscience connectée au Tout, présente en tout être.

A l’inverse de la dualité qui opposait esprit et matière, la vision panthéiste est que les deux sont intimement liés : la matière est la manifestation de la conscience. Spinoza dirait : « L’esprit et le corps sont une seule et même chose, conçue tantôt sous l’attribut de la Pensée, tantôt sous l’attribut de l’Etendue ».  En effet, comme la conscience ne peut s’observer elle-même, elle s’expérimente par le biais de la forme. C’est la raison pour laquelle il est si compliqué à l’être humain de reconnaître en lui le divin car, généralement, il s’est complètement identifié à son expérience.

Selon Frédéric Lenoir, cette vision panthéiste – déiste ou non – « nous montre que l’itinéraire de la sagesse ne serait donc pas une ascension vers le ciel ou l’au-delà indicible, mais un approfondissement de l’existence elle-même, dans notre monde unique, la Nature ».

Dès lors que nous sommes reliés avec le Tout et que toute forme de vie dispose d’un niveau de conscience (« le Sacré est partout, en toute chose »), le Tantra amène tout naturellement au respect et à la protection de la Vie.

Ainsi que je l’écrivais déjà dans un article précédent intitulé « Agir ou ne pas agir », c’est au moment où son chemin d’évolution individuel amène une personne à prendre conscience de la reliance qui l’unit à toute chose, quand une écologie intérieure s’opère, que l’écologie à l’égard de l’extérieur se met en place d’elle-même.

Laissons à Pierre Rabhi le mot de conclusion : « Il nous faudra bien répondre à notre véritable vocation qui n’est pas de produire et de consommer jusqu’à la fin de nos vies, mais d’aimer, d’admirer et de prendre soin de la vie sous toutes ses formes ». Et ce, non pas parce qu’en tant que personne individualisée j’ai développé le concept mental d’écologie et de protection de cette chose distincte qu’est la nature, mais bien parce que je suis l’amour, je suis la vie, je suis la nature.

Didier de Buisseret

www.therapeute-debuisseret.be

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7 commentaires pour “La relation de l’homme au divin et à la nature

  1. vidal

    Remarquable! Merci Didier. Une magnifique synthèse. Et un panthéisme non déiste est parfait pour obliger le mental à lâcher prise…
    Un seul regret en te lisant: je préfèrerais « être humain » à homme, même avec un grand H
    Amicalement, Serge.

  2. Fraisse

    immenses gratitudes pour toutes ces Sources vers plus de connaissances de qui nous sommes vraiment, pour plus de sens dans nos vies , autre que le matérialisme et ce terrible impasse en boucle mortifère production-consommation-reproduction, … il me trotte dans la tête ce questionnement : est-ce que l’humanité a été engendrée pour transcender cette terrible prédation où la vie se nourrit de la vie, froidement, sans aucun sentiment ni émotion ???, … cette prédation existante avant l’apparition de l’humain, … et tellement dévastatrice depuis sa présence, … de cette humanité pourtant capable de co-création magistrale, splendide , dès que cette humanité est empreinte d’amour, si bien illustré avec la citation de Pierre Rabhi, dans la conclusion de ce texte, ….et me vient là aussi tous ces êtres humains « praniques », qui se nourrissent de « prana », ces bio-photons que tout être vivant respire, en croissance exponentielle depuis les années 90. … cette nutrition pranique qui met fin à la prédation pour tout être en capacité de l’adopter, qui engendre vraiment une relation ontologique au monde radicalement différente de toutes celles décrite dans ce texte ….. où la vie cesse ce risque pervers de peurs en survie dans un environnement potentiellement dangereux, où la vie se nourrit de l’amour, dans un environnement sécurisé, où l’amour prospère à l’Infini….

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